librairie
point virgule

Rue Lelièvre, 1 B-5000 Namur | Tél. : +32 (0)81 22 79 37 | info@librairiepointvirgule.be | Du lundi au samedi de 9h30 à 18h30

pouponniere dhimmler de mulderL'avis d'Anouk:

Dans la Bavière à feu et à sang de 1944, Heim Hochland demeure paisible. L’ambiance est feutrée, la nourriture abondante, l’hygiène irréprochable. Dans cette maternité modèle des nazis, femmes enceintes et jeunes mères avec leurs bébés semblent protégées de la dévastation. C’est ce lieu et sa sinistre ambivalence qui sont au centre du nouveau roman de Caroline de Mulder, La pouponnière d’Himmler. Au Lebensborn s’incarne l’obsession eugéniste insensée des nazis, obsession engluée dans la contradiction puisque le prétendu service de la vie alimente une idéologie visant la mort – le destin de ces enfants mâles si choyés n’est-il pas de mourir glorieusement pour l’Allemagne ?

Trois personnages font explorer la complexité d’Heim Hochland. Il y a d’abord Renée, une jeune Normande tondue dans son village lorsqu’on apprend qu’elle est enceinte d’un soldat allemand. En fuite, Renée trouve refuge dans l’Allemagne ennemie. Au Lebensborn, elle croise une infirmière à peine plus âgée, Helga. Cette femme qui, il n’y a pas si longtemps encore, vivait sans remettre en cause la nécessité de son institution est de plus en plus habitée par le doute. Son journal intime rend compte de ses hésitations, encore vacillantes et fragilisées par la conscience de leur inconvenance. Enfin il y a Marek, prisonnier polonais détaché du camp de Dachau pour travailler dans le parc de la maternité, un homme ravagé par la faim et luttant pour sa survie. Les murs érigés entre ces trois personnages sont infranchissables mais ils sont parfois percés par des gestes d’empathie, comme un reste d’humanité qui aurait échappé au totalitarisme de la pensée nazie.

À Heim Hochland, on vit retranché du monde et du temps dans un huis-clos de plus en plus oppressant. Et pourtant la violence du dehors s’éprouve à chaque instant, la guerre invisible trouble toute pensée, l’ombre de l’extermination s’étend partout. C’est la force de l’écriture de Caroline de Mulder de rester au plus près des flux de pensée de ses trois personnages tout en faisant éprouver puissamment le hors-champ et en suggérant toute la complexité de l’époque.

Intense et malaisante, la lecture de La pouponnière d’Himmler est une plongée au cœur de la machinerie totalitaire et de la façon dont elle s’empare des corps et des esprits.

Gallimard, 21.50 eurosbtn commande