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La Folie Elisa - AubryL'avis de Delphine:

C’est une histoire de naufrage, ou plutôt de naufragées : Emy est une star du rock, Irini une sculptrice, Sarah une danseuse et Ariane une comédienne. Elles sont anglaise, grecque, allemande et française. Toutes ont le rêve et l’appétit plus grand que la vie, la peau et le cœur poreux, perméables, frémissants. Toutes ont été submergées et brisées par la houle et les lames, par des tempête intimes et par la fureur du monde – attentats, migrants, murs qui se dressent, … Toutes se sont enfuies et échouent à la Folie Elisa, où une autre femme leur offre, dans le silence et la grâce – celle du don et de la porte ouverte, celle des lieux qui sont hors du temps, havre et île – une chambre à soi et une oreille maternelle, généreuse et sagace.


Ce sont des voix puissantes – bien qu’érailles – et ardentes, qui s’élèvent dans ce livre de Gwenaëlle Aubry, les voix de femmes qui se sont écroulées, parce qu’un jour leur art, ce rempart de brindilles, ne les a plus protégées de la violence du monde, parce qu’elles l’ont laissée les traverser, les ébranler, les fracasser. Aussi parce que, comme l’a compris la cinquième voix, celle de leur hôtesse, feutrée mais profonde, ce sont des femmes qui aspirent à des commencements, à de « grandes rafales de vie », qui, funambules « toujours trop haut, trop bas, trop loin, trop près », vacillent ; des femmes qui sont irradiées de fièvre et de faim, qui « cherchent la chair » de toute chose.


 La Folie Elisa, c’est la maison des feuilles – des foliae –, où d’autres feuilles, roussie et cassantes –  mais éperdument vivantes –, emportées par « le même vent sorcier », trouvent (un) asile – elisa – où dévider l’écheveau de leur haute folie.


C’est surtout un récit intense et incandescent, qui incante l’âpreté de la vie autant que sa splendeur, un récit de la destruction et de la perte qui appelle à la reconstruction et aux retrouvailles : comme nous le savons et l’ignorons tout à la fois, il faut perdre vraiment pour laisser place à la trouvaille, et « savoir honorer sa perte pour la transformer. Non la chérir, mais la respecter. Trouver en elle de quoi lutter […] ».

Mercure de France, 15 eurosbtn commande

ma devotion - kerninonL'avis de Delphine:

Dévotion : un beau titre, et un beau mot, que l’amour a emprunté au langage religieux – cela aurait pu être l’inverse – et qui, comme ferveur, est tristement passé de mode.

Comme tant d’autres à son époque – tant d’autres à toutes les époques …  –, Helen, née dans les années 1930, a longtemps été une femme sans voix. Elle a pourtant mené une carrière d’éditrice et d’essayiste et une vie peu conventionnelle, mais parler, se faire entendre, elle n’a jamais pu, jamais su. Jusqu’à ce qu’elle retrouve, par hasard et plus de vingt ans après leur séparation, Frank, son amour, et qu’elle le somme de l’écouter, là, tout de suite, dans la rue où ils se sont croisés. Et nous, lecteurs, nous nous sentons sommés de lire, d’écouter nous aussi ce qu’elle a à dire.

De sommés, nous sommes happés, pris par ce récit qu’Helen égrène en une multitude de très brefs chapitres et où elle raconte à Frank leur vie : sa dévotion à elle et sa dette à lui, le grand artiste égocentrique et étranger à tout ce qui n’est pas son art et ses conquêtes. À mesure qu’elle dévide l’écheveau de ses souvenirs, l’équation paraît de moins en moins simple et se trouble – la dévotion aussi a sa part d’ombre ...

Dans ce roman au style fluide, limpide et imagé, Julia Kerninon explore avec beaucoup de finesse et d’acuité les ressorts de l’amour, les liens troubles qu’il entretient avec le besoin, la nostalgie et les malentendus. Elle interroge aussi le rôle que jouent dans notre vie les mensonges que l’on trame et les œillères dont on s’affuble, la façon dont ils tracent un chemin qu’on emprunte bon gré mal gré, mi-lucide, mi-aveugle.

Surtout, la romancière dresse le portrait nuancé d’une femme discrète, presque falote en apparence, qui, se révélant page après page, incarne ce qu’elle sait mieux que personne, ce que tout lecteur sait : « Il ne faut pas juger un livre à sa couverture ».

 

Le Rouergue, 20 €btn commande

chance de leur vie - desartheL'avis de Régis:

Trois ans après Ce cœur changeant (L’Olivier, Prix littéraire Le Monde 2015), Agnès Desarthe publie l’un des plus somptueux romans de cette rentrée littéraire et nous fait l’immense plaisir de venir à notre rencontre pour la seconde fois.

La chance de leur vie est un roman aux mille portes. Derrière la première, il y a l’histoire d’une famille parisienne s’installant Outre-Atlantique, le père étant nommé professeur dans une Université de Caroline du Nord. Derrière la seconde, la chronique d’un couple qui perd pied. Ou encore, derrière une autre, le portrait d’un adolescent en pleine crise mystique. On y trouvera aussi un savoureux portrait de campus américain et des personnages secondaires loufoques à souhait. On y lira enfin la solitude, les mensonges, la honte ou la tristesse des uns et des autres, cette abyssale « seconde vie », cette vie secrète et intérieure qu’Agnès Desarthe ne cesse de traquer de livre en livre.

« Le roman n’examine pas la réalité mais l’existence. Et l’existence n’est pas ce qui s’est passé, l’existence est le champ des possibilités humaines, tout ce que l’homme peut devenir, tout ce dont il est capable » écrivait Milan Kundera dans son Art du roman (Gallimard).

Et c’est tout l’enjeu de ce roman infiniment contemporain : dire la part d’ombre de chacun de nous, ce qui échappe et résiste aux pressions sociales dans un monde ultra-connecté.

 

L'Olivier, 19 €

Ne manquez pas la rencontre avec Agnès Desarthe le jeudi 22 novembre à 20 heures à la librairie!btn commande