Depuis Hôpital Silence, paru chez Minuit en 1985, Nicole Malinconi cherche par ses mots à dire le réel, au plus près. De ce point de départ intime et pour ainsi dire minuscule, dans une langue épurée, elle construit des livres amples qui tous donnent à penser notre monde dans sa complexité. Des livres qui nous parlent de nous, de notre façon de faire société, de notre rapport à la langue, de l'immigration, du poids de l'histoire, de l'énigme au cœur de toute vie.
Avec De fer et de verre, célébration de la Maison du Peuple bâtie par Victor Horta en 1896 et des nobles aspirations du mouvement ouvrier belge, Nicole Malinconi ouvre un nouveau chapitre de son œuvre. Plutôt que creuser « à la verticale » pour atteindre l'essence des êtres et des faits, elle donne cette fois un récit « horizontal », vaste fresque qui a du souffle et brasse près d'un siècle d'histoire. Pour autant, on retrouve ce qui fait la grâce entêtante de chacun des livres de cette voix majeure de la littérature belge. Car Nicole Malinconi n'écrit pas, bien sûr, un livre d'histoire, ou une biographie de Victor Horta, ni même un récit des luttes sociales de la première moitié du 20e siècle. Non: De fer et de verre se lit plutôt comme une réflexion sur le temps et la mémoire. Le temps qui charrie tout, la beauté et la fragilité des utopies, les grands hommes et les gens de peu, et qui aura raison de cette Maison du Peuple fièrement enracinée au centre de Bruxelles. En 1965 en effet, la Maison du Peuple est irrémédiablement démolie pour céder la place à une tour laide et grise. Le symbole de ce mal triste qui ravage la capitale belge ces années-là, et que l'on appellera la bruxellisation .
Que reste-t-il des rêves portés par ce palais de fer et de verre, cette « maison où l’air et la lumière seraient le luxe si longtemps exclu des taudis ouvriers » selon le vœu de Victor Horta? Nicole Malinconi leur donne corps à sa manière subtile, avec autant de douceur que de puissance.