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poids plumes - malinconiL'avis d'Anouk:

Au début, il y a l'étonnement: un livre de Nicole Malinconi qui nous parle des oiseaux, quand tout son questionnement porte sur l'humain et ce qu'il recèle de plus secret, de plus enfoui, de plus retenu.

Et puis l'étonnement s'éloigne dès le premier texte lu – cette intranquillité, ce qui-vive, cette fragilité, c'est bien là le coeur de ce que Nicole Malinconi cherche à atteindre tout au long de son chemin d'écriture.


Observer les oiseaux et restituer leur façon d'être au monde et à la vie, c'est porter l'attention sur l'infiniment petit, c'est mettre des mots sur ce qui semble destiné à ne pas en avoir. C'est aussi  donner une forme à ce qui bouge et échappe. C'est un détour du regard pour apprendre à regarder mieux et à voir l'exceptionnel derrière la banalité. L'oiseau est l'incarnation de plus grand que lui: un paysage, la création, la vie. Dans les mots de Nicole Malinconi, l'insignifiance apparente des oiseaux est le miroir de notre propre fragilité. La menace de leur absence souligne les impasses de notre temps, et leur courage, leur obstination, leur ténacité sont comme des invitations à tenir et avancer.oiseaux2 crevecoeur

 

oiseaux1 crevecoeurLes textes qui s'égrènent au long de Poids Plumes sont doux et forts à la fois, marqués par une inconditionnelle et lucide bienveillance. Le conditionnel et le futur donnent chair à l'intranquillité, à la sensation de se tenir sur le fil. L'absence de communication entre celui qui regarde et celui qui est regardé n'empêche pas la relation. Et c'est là finalement ce qui semble nourrir chacun de ces textes subtils: tisser fil à fil notre relation à ce qui nous entoure – le monde, les êtres, les traces qu'ils laissent.

 

En écho aux mots de Nicole Malinconi, les délicates gravures sur gommes de Kikie Crêvecoeur sont un enchantement.

 

Esperluète, 15 €. À noter que la Revue Textyles consacre son dernier numéro à l'oeuvre de Nicole Malinconi; le dossier est coordonné par Laurent Demoulin et Pierre Piret.btn commande

petit renard - van de vendelL'avis de Régis:

Coup de cœur instantané pour ce Petit Renard, surgi des cartons de nouveautés de la rentrée. La beauté de sa couverture vous attrape au premier coup d’œil, mélange de raffinement et d’étrangeté : un renard, d’un roux fluorescent, hume l’air des dunes et de la plage, et contemple le grâcieux spectacle des oiseaux. Le livre ouvert, l’enchantement ne fait que croître. L’illustratrice hollandaise Marije Tolman, par un magnifique travail de photographies et de dessins superposés, nous précipite dans un paysage de mer du Nord. Un petit renard y déambule joyeusement, découvrant les vagues, imitant un cormoran, contemplant les milles beautés de cet endroit. Ces premières pages sont muettes, sans paroles, mais frémissent de tous les bruits de la nature. On y ressent comme rarement le vent qui souffle, une branche qui craque. Un oiseau qui s'envole. C'est beau. Comme ces deux papillons violets qui surgissent dans le décor et qui font naître le récit.

Les premiers mots se posent alors sur la page et Petit Renard se met à courir, se précipite, croit s'envoler lui aussi mais s'écrase finalement et « ça fait : POUF ! ». Inanimé sur le sable, il rêve. Il se revoit tout petit, découvrant le monde, sa forêt, jouant avec ses frères et soeurs, curieux de tout, des odeurs, des autres animaux. Edward van de Vendel, superbement traduit par Emmanuèle Sandron, écrit sans artifice. Ses mots nous emmènent sans en avoir l'air vers tant de sensations subtiles, imperceptibles. Soudain, le silence se réinstalle, le temps de quelques pages. C'est un garçon, à la rousseur flamboyante, qui pénètre à son tour dans ces si beaux sentiers marins. Il y aura encore le retour des mots, et la suite du rêve. Il y aura le souvenir d'une rencontre, de celles qui peuvent vous changer la vie. Il y aura surtout beaucoup de douceur, d'émotions et de réconfort. L'encre, la peinture, la craie, la photo, les multiples propositions de Marije Tolman émerveillent durablement. Les mots et les silences de cet album continuent, quant à eux, à se murmurer au creux des chemins.

 

Albin Michel Jeunesse, traduit du néerlandais par Emmanuelle Sandron, 17.25 €btn commande

petit renard2 - van de vendel

petit-renard3 - van de vendel

in wavesL'avis d'Adrien :

Chaque rentrée offre son lot de belles surprises, celle-ci transcendera l’époque. Elle marque autant qu’avait marqué à sa sortie chez le même éditeur en 2004 Blankets de Craig Thompson, celui-ci ayant salué le talent d’Aj Dungo, jeune bédéaste qui signe là son premier album.

Avant de rencontrer sa fiancée, Aj Dungo n’était pas le plus à l’aise dans l’eau. Avec Kristen, il a appris à apprivoiser cet élément, à connaître sa puissance et sa grandeur. Il a aussi appris que le surf était bien plus qu’un sport. On a diagnostiqué à Kristen, quelques semaines après qu’elle et Aj se soient mis en couple, un cancer. Durant leurs dix années de vie commune et jusqu’à son souffle final, Kristen n’aura de cesse, avec courage et abnégation, de combattre la maudite maladie. Et de-ci de-là, de remonter sur une planche, domptant habilement et naturellement les vagues.

Mélange plus qu’original d’un récit de deuil et d’une histoire du surf, In waves nous narre avec l’épure d’une ligne ultra claire une chronique amoureuse d’une beauté et d’une mélancolie apaisées et apaisantes. Tout en bichromie, de bleu pour l’histoire de Kristen et Aj, bleu comme l’amour, comme l’eau, comme la vie, comme la volonté, et de sépia pour la mémoire du surf, sépia comme la couleur du bois dans lequel sont sculptées les planches de surfs, comme la peau hâlée de l’hawaïen Duke Kahanamoku et de l’américain Tom Blake, deux surfeurs mythiques, ayant porté haut l’étendard de la discipline. Ces derniers, unis par une amitié fraternelle, se sont soutenus, comme nos deux amoureux, dans l’effort et l’adversité, dans les creux de la vague. On passe de l’histoire d’amour à l’histoire d’amitié naturellement, tout comme la houle va et vient.

Bien qu’on puisse d’un point de vue extérieur se poser la question de la pertinence du mix des deux éléments rassemblés là, la beauté de cet album est aussi issue de ce très réussi et inexplicable alliage. In Waves était en réalité une commande de l’éditeur Nobrow à Dungo des origines du surf en bande dessinée. L’éditeur touché par l’histoire intime de Kristen et Aj demanda à Aj de faire de cette commande un récit plus personnel. Le résultat est là, surprenant, touchant, sensible, sans pathos, brillant.

Casterman, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Basile Béguerie, 23 €btn commande

molons

 

 

 

 

 

 

En raison des Fêtes de Wallonie, la librairie sera fermée ce samedi 14 septembre.

Bonnes Fêtes à tous!

 

girl edna obrienL'avis de Clémence :

« J'étais une fille autrefois, c'est fini. Je pue. Couverte de croûtes de sang, mon pagne en lambeau. Mes entrailles, un bourbier. Emmenée en trombe à travers cette forêt que j'ai vue, cette première nuit d'effroi, quand mes amies et moi avons été arrachées à l'école. »

Cet incipit de Girl annonce la puissance du nouveau roman d'Edna O'Brien. Basé sur l'enlèvement de lycéennes par Boko Haram au Nigeria en 2014, ce texte bref rend hommage et dénonce les atrocités infligées par ce groupuscule extrémiste dans un souffle intense et profond. Impossible de relâcher le rythme de la lecture, la tension est à son comble comme si la vie de cette jeune femme dépendait de notre assiduité à tourner les pages. Bien plus qu'un récit sur un fait d'actualité, Edna O'Brien touche une authenticité à travers une fiction poignante qui, comme pour le personnage principal, Maryam, retourne les tripes, les laissant à l'état de bourbier. Pourtant, une pudeur est constamment mise en place alors que les actes horrifiants et humiliants des bourreaux sont décrits avec fermeté.

L'auteure aborde l'indicible à partir de l'intériorité de cette jeune victime et ainsi permet au lecteur de se projeter et de capter un tant soit peu l'horreur vécue par des centaines de personnes. La quête de recouvrer une liberté volée sera le point de départ d'un espoir sans fin qui raccroche à la vie et le fil conducteur de ce roman. Devenue une femme du « bush », souillée et meurtrie, Maryam et son enfant Babby devront continuer à lutter pour cette liberté, même auprès des leurs. Une vie volée pour une vie donnée, mais deux vies détruites, entre parenthèses et sans identité.

Texte d'une nécessité indubitable, professeurs, parents, amis, famille, ce roman est à mettre entre toutes les mains pour rendre hommage et justice, pour lutter et défendre les valeurs justes qui sont bien trop souvent mises à mal.

Sabine Wespieser, traduit de l'anglais (Irlande) par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat, 21€btn commande