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ravageL'avis de Maryse:

Au Canada, le ravage désigne les traces dévastatrices laissées, dans la neige notamment, par un troupeau de caribous en transhumance, pouvant atteindre cinq mille têtes et broyant tout sur son passage.

Au cœur de l’hiver 1931, Red Arctic, nord du Canada, à la frontière de l’Alaska. Un certain Jones, trappeur inconnu de tous, évoluerait en solitaire sur les territoires canadiens sans permis de chasse. Échauffant les esprits dans cette nuit éternellement glaciale, il devient rapidement la cible de la gendarmerie nationale et de certains de ses représentants, présomptueux et convaincus du parfait respect de la loi ou zélés cow-boys des neiges. Le fugitif reste toutefois inatteignable et ce n’est rien de moins qu’une trentaine d’hommes lourdement armés – gendarmes ou trappeurs volontaires –, des kilos de dynamite, une quinzaine de traineaux, une centaine de chiens et même un avion de reconnaissance qui seront mobilisés sur la trace d’un seul homme. Pendant six semaines, à moins quarante degrés, dans un blizzard implacable, une traque infernale se prolongera, animée par la soif de vengeance, l’effet du clan et une fascination morbide pour l’inhumain fuyard.

Cette chasse à l’homme haletante et aliénante est inspirée de faits réels. Ian Manook, l’incontournable écrivain-voyageur de thriller, en érige un récit à couper le souffle. Il y brosse le portrait de personnages rudes, pour certains tiraillés entre les traumas des tranchées et une foi indéfectible en la loi, comme si cette dernière demeurait le seul fondement fixe dans les tourments du monde ; pour d’autres juste revanchards, superstitieux, rustres et épris du goût du sang. Dans le récit, l’angoisse va crescendo, à mesure que les jours s’écoulent et que les âmes s’ébrouent, embarquées dans un vertigineux et funeste engrenage.

Puis surtout, comme souvent dans ses romans, Ian Manook a l’épatante capacité de transporter son lecteur dans un lointain voyage, au cœur de contrées extrêmes, où les turpitudes humaines semblent bien vaines en regard d’une nature intraitable et toute puissante.

Une lecture réfrigérante qui vous fera résolument relativiser le petit crachin de cette fin d’automne.

Paulsen, 19,90 euros.btn commande

L'avis de Marykalmannse :

L’action se déroule à Raufarhöfn, petit port du nord de l’Islande, que l’imposition des quotas de pêche ont poussé au déclin. Dans ses rues désolées se balade fièrement, chapeau de shérif vissé sur la tête et arme pendant à la ceinture, Kalmann Odinsson, l’esprit simple du village. Pêcheur de requin bien connu de tous les habitants du village, il est le narrateur de cette histoire.

Un matin de début de printemps, lors d’une partie de chasse au renard en solitaire, Kalmann découvre une gigantesque tache rouge dans l’immaculé de la neige. À qui appartient ce sang ? À une bête ou à un humain ? Alors que l’homme riche de la région est porté disparu depuis quelques jours, la police débarque dans la bourgade et Kalmann, témoin principal, est évidemment mis en cause. Et il apparaît rapidement que, au-delà des réponses décalées et farfelues qu’il apporte aux enquêteurs, il en sait plus qu’il ne le laisse entendre…

L’intrigue, adroitement échafaudée, enveloppe le lecteur de son atmosphère glaciale. Mais outre cela, le tour de force de l’écrivain suisse germanophone Joachim B. Schmidt est de subtilement réussir la périlleuse entreprise de se mettre dans la peau et la tête de son personnage porteur de handicap mental. La version des faits de Kalmann mêle ses souvenirs, ses craintes, ses désirs et ses ressentis hypersensibles. Comme lui, le lecteur se sent perdu, oppressé, tantôt en colère, tantôt apaisé. Les clichés sont évités, Kalmann sonne juste et ce, jusqu’à l’apothéotique dernière page de ce roman noir que l’on vous recommande !

 Gallimard, La Noire, traduit de l'allemand (Suisse) par Barbara Fontaine, 22 €btn commande

carré des indigents paganL'avis de Patrick:

Le carré des indigents est un roman policier résolument old school, et pas seulement parce qu’il nous plonge dans la France de 1973. Claude Schneider, inspecteur solitaire à la Philip Marlowe, n’en finit pas de panser les blessures de ses années algériennes. S’il lui reste des illusions après ce qu’il a vu et vécu là-bas, elles vont s’envoler définitivement lorsque meurt Betty Hoffmann, une adolescente de 15 ans violée et sauvagement assassinée. Dans une ambiance de fin de règne (Pompidou est mourant, les années Giscard se profilent) où toutes les ambitions s’étalent de façon parfois nauséabonde, la rigueur et l’honnêteté de Schneider détonnent, et émeuvent.

L’écriture d’Hugues Pagan est précise, virevoltante; elle prend le temps de la description et capte les lumières, les humeurs, les rapports de force. Loin des thrillers haletants et formatés, aux phrases courtes et à l’efficacité fabriquée, Le carré des indigents est un somptueux roman d’atmosphère, un noir mélancolique et corsé comme on les aime.

 

Rivages Noir, 20.50 €btn commande